Dre. Cina Gueye, socio-anthropologue et chargée d’évaluation et de capitalisation chez Equipop, association féministe de la solidarité internationale, est l’une des gagnantes du concours organisé dans le cadre de l’édition 2022-2023 du programme Genre et Développement dans les régions de l’Afrique de l’Ouest et des Grands-Lacs. Dans cet article elle nous présente dans les grandes lignes son travail de recherche sur les politiques d’équité et d’égalité au Sénégal.
Cette recherche propose d’examiner les politiques d’équité et d’égalité au Sénégal, sous l’angle de la budgétisation sensible au genre (BSG) à partir de l’analyse du traitement des violences faites aux femmes et aux filles en ligne, un sujet complexe qui interroge les qualités démocratiques attribuées à ces espaces civiques. Elle tente de saisir la portée des actions spécifiques et le maillage entre les ministères sectoriels, en principe impliqués dans leur traitement, dans une structure d’opportunités politique médiatisée par l’institutionnalisation du genre dans les politiques publiques, depuis près d’une décennie.
Basée sur une enquête netnographique et institutionnelle, elle met en évidence d’une part la complexité des interactions entre les “sectoriels”, la fragmentation des usages et les épreuves dans le travail de traduction et de coordination de cet instrument frontière politique devenu un vecteur majeur du réenchantement de l’action publique. D’autre part, cette recherche rend compte du caractère subalterne de la problématique de la violence en ligne et sa faible articulation aux initiatives de BSG encore fortement orientées vers la lutte contre les formes plus courantes et spectaculaires: les violences physiques, les pratiques traditionnelles néfastes (MGF, mariage d’enfant) etc.
La rationalité technicienne fait peser toute la stratégie de lutte sur la production d’une réglementation juridique progressiste et la diversité des voies de recours au risque de générer des inégalités systémiques indirectes. En effet, au-delà des effets d’optique, ces dispositifs légaux peinent à garantir l’accès équitable aux juridictions, les hommes restant les usagers majoritaires de ces services. A la sous-déclaration des violences faites aux femmes et aux filles s’ajoutent les cas de désistement lorsque à l’issue de la procédure de “tracking”, le coupable se révèle être un proche, une connaissance.
Par-delà la documentation des écarts entre normes officielles et normes pratiques (De Sardan, 2021), la perspective d’analyse comparée des politiques de budgétisation sensible au genre (BSG) ainsi déclinée, à partir d’un cadre théorique nourri par l’économie féministe et la sociologie des problèmes publics, représente une opportunité de contribuer aux discussions entamées reliant la justice de genre aux débats sur la participation citoyenne, les droits, la loi et le développement (Mukhopadhyay, Singh et Dufresne 2009).
Elle ouvre notamment sur une réflexion plus large sur la façon de concevoir l’action et l’intérêt à agir de l’État, notamment cette frontière instituée entre les formes de délits où l’autorité de régulation peut s’autosaisir au nom de l’intérêt collectif et ceux relevant de la sphère privée, de la responsabilité individuelle et requérant, à ce titre, l’acte de dénonciation. Dans le cas d’espèce, l’argument de l’égalité de tous.tes devant la loi qui accompagne l’institutionnalisation précoce de la lutte contre la cyberviolence et la cybercriminalité, participe de manière indirecte à la sous-politisation du sens et des incidences de ces violences.
Par Dre. Cina Gueye, alumna du programme en Genre et Développement dans les régions de l’Afrique de l’Ouest et des Grands Lacs.
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Merci pour cette étude sur les VBG en Afrique
Je pourrai proposer une junction avec ce que fait COCAFEM/Dushirehamwe dans la région des Grands Lacs